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La réalité paranormale de Maxime Bondu

  • 27 mars 2018
  • 4 min de lecture

Dernière mise à jour : 5 avr. 2023

Quand l’inexpliqué infiltre les données du réel, la science demeure perplexe tandis que l’art y voit un champ d’exploration fécond. De lectures plastiques en appropriation de faits, Maxime Bondu déploie une œuvre globale aux résonances absurdes. Son Soleil vert, lune bleue, pluie rouge habite le Centre d’Art Bastille avec mystère, aux côtés d’artistes invités à investir l’espace d’interprétation.



Tirant ses connotations surréalistes dans les pages de The Book of the damned de l’auteur Américain Charles Hoy Fort, le titre de l’exposition de Maxime Bondu reprend également les mêmes aspirations : interroger l’inexpliqué, décortiquer les données établies et ouvrir un interstice spéculatif. Soleil vert, lune bleue, pluie rouge se soustrait ainsi au réel pour réaliser un spectacle de l’interprétation où plane le doute. La frontière entre le vrai et le fantasme surnaturel est poreuse telle une archéologie sculpturale du probable, mais infondée.

Pour cette fouille plastique au cœur de l’information et des phénomènes étranges, l’artiste a convié quatre créateurs aux pratiques diverses mais dont les œuvres s’immiscent parfaitement dans cette plongée dans un au-delà scientifique. Dans ce vaste champ pluridisciplinaire, l’écrivain Théo Robine Langlois use du poster pour remettre en cause la perception de l’exposition en tant que notion à travers des faits marquants demeurés insolubles. Blaise Parmentier quant à lui crée une ouverture sur un autre monde, une vision parallèle de la réalité par le prisme d’une porte où les codes futuriste et rétro convoquent un univers analogue. Un imaginaire invisible, mais potentiellement présent, qui se loge dans la matière fumée de la vitre qui compose la sculpture. Au dernier niveau, il ne reste de la prestation du collectif de P.A.L. qu’un vestige organique comme sorti du plafond. Suite à leur performance musicale lors du vernissage, P.A.L. a substitué aux sonorités la lumière, transfert artistique dans le fluxus spatial de l’exposition, tandis que Julien Griffit, technologiste, a collaboré à l’élaboration d’une installation vidéographique avec Maxime Bondu, dans laquelle se percutent le temps et l’espace pour un déroulement énigmatique.

EXTRAPOLATION PLASTIQUE

C’est au creux des mystères que le plasticien condense et distend d’un même geste collectif, qu’il soit artistique ou de l’ordre de la spéculation populaire, la faille spatio-temporelle de phénomènes dits paranormaux. Axant son travail sur le décodage des données et l’idée d’un cosmos où les probabilités sont infinies, Maxime Bondu pense ainsi sa pratique dans la globalité, questionnant les masses intellectuelles et la notion curatoriale.


Dans cette optique collégiale, Julien Griffit a apporté son savoir faire pour la réalisation d’une vidéo diffusée grâce à un vieux projecteur récupéré dans un cinéma délabré en Bulgarie. Au gré de ses pérégrinations personnelles, Maxime Bondu a exploré les vestiges d’une salle obscure appelée Kosmos et en a trié une substance encore plus vaporeuse. De la récupération des films pellicules de la deuxième partie du XXe siècle, le duo a réalisé un travail de traitement de l’image pour donner une couleur au cinéma et opère du même temps un renversement des signes : le soleil vert diffus devient une rétine qui irradie. Le 7e art nous regarde. Un retournement d’usage qui permet de questionner l’objet tout en constituant une sorte de fil d’Ariane au sein du Soleil vert, lune bleue, pluie rouge. L'artiste extrait alors du Kosmos bulgare d’autres artefacts pour un inventaire pluriel. Il prend alors la forme d'une tombe, manifeste d’une culture d’ailleurs entre jetons, manettes et programmes qui permet d’interroger l’histoire à travers les gens. Par extrapolation, les pages s’insèrent ici et là sur les murs offrant des espaces colorés non identifiés. Zoomant à l’extrême les images, l’artiste explore le cosmos et ouvre un horizon sans limite baigné de bleu et de pixels.


Dans le reste de ses pièces, l’artiste interprète plastiquement des faits inexpliqués et met en lumière l’avènement de la fake news. Dans les années 2010, des débris de la navette Challenger, envoyée par la NASA dans l’espace en 1973, auraient refait surface sur une plage de Floride. Si le compte rendu de cette découverte était précis sur la localisation, le temps et le jour, la description matérielle des fragments demeure floue, accompagnée de détails surprenant comme la pousse d’une branche de séquoia sur le métal. Donnant corps à cette trouvaille nébuleuse, Maxime Bondu traite l’information de manière sculpturale avec les rares donnée disponible sur la forme de l’objet. La déclaration, aux fondements restés invalidés ou dissimulés, se matérialise alors sous nos yeux, soustrayant à l’imaginaire un réel alternatif, à travers une installation surdimensionnée en bois de séquoia qui s’oxyde avec le temps. Prolongeant cette quête de la fake news, il réalise un photomontage de Challenger avec le même souci de la couleur que précédemment. Le dernier niveau de l’exposition dévoile l’investigation menée par Maxime Bondu sur la disparition d’un bateau à vapeur dans les années 1920 entre Charleston et la Havane, en plein triangle des Bermudes. Réalisant des maquettes minutieuses du bateau initial, abîmé et disparu, l’artiste sculpte une histoire en lévitation, pleine d’interrogations non résolues. Son intérêt pour les phénomènes scientifiquement non validés offre une plasticité de l’absurde aux perspectives délicates.

Par l’appropriation des théories et des objets, Maxime Bondu injecte dans sa pratique artistique des données malléables inépuisables et interroge les mécanismes de la croyance par un geste sculptural du collectif. Une proposition qui interpelle judicieusement la conscience et le regard.

Soleil vert, lune bleue, pluie rouge au Centre d’Art Bastille jusqu’au dimanche 15 avril

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