La poésie bricolée de Daniel Dezeuze
Souffler des émotions, des impressions et invoquer un imaginaire sur le fil de la sensibilité est un caractère propre à la poésie. Cette inspiration créative innerve la démarche artistique de Daniel Dezeuze, de ses premières œuvres Châssis en 1967 qui proclamaient la fin de la peinture classique aux dessins de La vie amoureuse des plantes dans les années 1990 où la liberté et la spontanéité du geste primaient, pour un ensemble qui efface les images au profit d’une mise à nu évanescente.
Tantôt lyrique, tantôt théorique, cette poésie s’applique à épurer le réel dans la pratique de l’artiste, offrant de multiples portes d’entrée. De fait, le parcours chronologique de l’exposition du Musée de Grenoble ne souffre d’aucun didactisme répétitif, Daniel Dezeuze fonctionnant par cycle de recherches pour une œuvre mouvante qui opère de manière intrinsèque des correspondances entre les différentes pièces. Ainsi les châssis et les treillis des débuts, qui font disparaître la peinture, réapparaissent dans la seconde moitié des années 1990 avec les Peintures sur chevalet pour une réaffirmation de la couleur, tandis que les Portes et les Armes (début 1980) bricolées éprouvant la matière répondent en opposition complémentaire à la douceur anthropologique des Objets de cueillette des années 1990.
Jeu entre le voilé et le dévoilé, la planéité et l’espace : chez Dezeuze, le vide devient un moteur déplaçant la perception. Une perception qui focalise le regard sur les Gazes (fin 1970) et oscille, dans les années 2000, entre sculpture et peinture avec les Pavillons et les Nefs, possible synthèse des préoccupations picturales de l’artiste. Avant de laisser passer les Tableaux-Valises à la trajectoire incertaine pour arriver dans le labyrinthe d’une forêt obscure et indéchiffrable. Mais comme toute œuvre poétique perdrait de son charme à être expliqué pour reprendre les mots du poète Gérard de Nerval, l’insaisissable mystère demeurera dans l’œuvre de Daniel Dezeuze.
Daniel Dezeuze, une rétrospective, au Musée de Grenoble jusqu’au dimanche 28 janvier 2018