Les tentacules légendaires d'Alice Assouline
Telle une pieuvre mystique nourrie aux contes populaires, l’œuvre d’Alice Assouline déploie ses différentes narrations dans l’espace comme autant de tentacules fictionnelles faites de peintures et de sculptures. Après sa Chasse à l’Espace Vallès en février dernier, l’artiste investit actuellement, avec Gravité, la galerie Marielle Bouchard.
Évoluant à ses débuts dans la performance où se mélangeaient sonorités ambiantes et décorum aux allures de messes mystiques, Alice Assouline est revenue au fil de ses résidences à ses premières inclinaisons plastiques : la peinture. Une pluralité artistique qui trouve aujourd’hui une pleine cohérence dans son œuvre où l’acte performé s’est récemment mué en sculpture, objets extraits de l’espace peint par l’artiste. Des toiles elles-mêmes nourries par des paroles glanées, suc de sombres contes populaires, au gré de ses déplacements.
Un dessein créatif où le réel se frotte avec inquiétude au fantastique, déployant des univers graves aujourd’hui présentés à la galerie Marielle Bouchard sous le titre de Gravité. Mais cette gravité tient surtout d’une irrémédiable attraction mystérieuse qui nous fait pénétrer, glisser, dans les environnements surréalistes esquissés par Alice Assouline, panorama de paysages flirtant avec des fantasmes cauchemardesques.
RÉCOLTE PICTURALE
Car, si au premier regard, les toiles séduisent la rétine par des couleurs chatoyantes et une nature aux allures paisibles, se révèlent à force d’observation les détails nébuleux d’un récit "lynchien" troublant au creux de la touche vacillante. S’imprégnant des lieux visités durant ses résidences, Alice Assouline effectue un travail d’ethnographe pour opérer une transmission d’histoires qu’elle injecte sur la toile entre réalité fantasmagorique et fable hantée.
Aux grands formats se confrontent des petits dessins, sucreries crayonnées où le trait explore avec précision le folklore local de la grenouille crucifiée sur l’entrée d’une demeure aux étoiles filantes qui traversent un village. Le brumeux s’oppose au net, offrant une expérience visuelle différente mais qui prolonge cette étrange fascination d’un onirisme sombre s’échappant de la surface plane pour envahir l’espace.
CONTINUUM SPATIAL
Une trace mémorielle des contes récoltés qui se matérialise dans la pièce telle une traînée de poudre qui prendrait forme. Son Miroir Miroir… a ainsi quitté le pinceau pour devenir verre, comme si la réminiscence du conte prenait soudainement corps. À cette ensorcelante sculpture fait face une porte, ouverture vers un autre monde mais aussi aux peurs enfantines, créant une tension entre curiosité et malaise.
En extrapolant ainsi le récit pictural en installation, Alice Assouline crée des résonances intrinsèques à son œuvre mais aussi des correspondances aux paroles qui se murmurent de génération en génération. Pour une Gravité puisée dans l’inconscient collectif qui éveille sur les parois de l’imaginaire de sombres récits féeriques.
Gravité, à la galerie Marielle Bouchard jusqu’au samedi 4 novembre