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Le (dé)calage de Xavier Brandeis

Déplacer la règle pour libérer la pensée, tel est le leitmotiv de Xavier Brandeis. En résulte un paradoxe sémantique et plastique qui permet à l’artiste lyonnais de souligner les formatages sociétaux et culturels, mais aussi d’ancrer sa pratique artistique dans la multiplicité. Sa Législation psychologique, actuellement visible à la galerie Marielle Bouchard, en dévoile une synthèse singulière, à l’image de l’œuvre entre volumes et papiers.

« Je pars rarement d’une expérimentation plastique. C’est souvent une envie de dire quelque chose, un concept, un message, une idée qui vient provoquer l’œuvre et ensuite j’y trouve des solutions plastiques. » Xavier Brandeis, diplômé de l’École d’art de Saint-Étienne en 2006, prolonge depuis presque 10 ans un travail sur la règle, qu'elle soit matérielle ou mentale. Un dé-cadrage des normes qui mène l’artiste sur des chemins parfois ambigus mais surtout pluriels, tout autant que sa pensée.

La genèse des pièces trouve ainsi source dans l’idée, pour un processus réflexif avant d’être plastique. « Cela m’évite la redondance technique, je fuis un peu cette routine plastique. » Avec cette volonté d’éveiller les consciences sur une certaine manipulation de l’opinion publique, mais aussi de créer des connivences conceptuelles entre les choses, Xavier Brandeis explore l’immatérielle dans le matériel par le biais de médiums "pauvres" comme le bois et le plastique, octroyant à son dessein créatif une dimension arte povera résolument contemporaine. Un magma d’idées et d’applications qui dessine en creux, dans la galerie Marielle Bouchard, une Législation psychologique où la banalité se heurte à l’irrégularité pour déplacer nos gestes de pensée.


Anticonformiste créatif

Sorte de rétrospective de ses dix premières années de production accompagnée de pièces réalisées pour l’occasion, l’exposition De la législation psychologique s’infiltre dans l’interstice d’un cadrage mental, cherchant à faire exploser les limites. « La ʺlégislationʺ c’est mettre des lois, tandis que le ʺpsychologiqueʺ c’est le travail du cerveau, la liberté d’action, de ce qu’on fait et pense. »

Règles sphériques et réglettes tordues, plastiques fondus et cercle de niveaux, Xavier Brandeis oppose le droit au droit et fracasse la mesure humaine contre le naturel terrestre, le rectiligne à l’inégal, par extension l’uniformisation au décalé intellectuel. La sculpture comme la photographie deviennent alors jeu d’anticonformisme dans lequel le déréglage permet d’interroger la rigidité d’évolution. Des détournements usuels à la forte prégnance plastique transférée dans le mot avec une subtilité sémiologique qui brouille nonobstant les codes communs.


L’art du mot révolté

« Je pense qu’on habite le langage. Le langage structure notre pensée, construit nos échanges et nos communications. Le mot m’intéresse pour toutes ces raisons et parce que je pense que l’art est un jeu de pensée. » Un exercice de l’esprit qui s’exprime dès le titre de l’exposition et se prolonge avec les Révisions étymologiques. Marquées sur du cuir, des listes de mots se déroulent pour un paysage mental qui tend à grignoter la limite.

La gratuité n’a pas droit de cité dans l’œuvre de Xavier Brandeis, et chaque variation du corps (ir)réel artistique met en exergue un avis tranchant, à l’image du Banc privé où l’assise est incrustée de débris de verre. Ou de l’Iphone surdimensionné où la Réelle illusion gomme la virtualité froide de l’écran pour une matière palpable.

« C’est un appel à la révolte, à la libre pensée. Dans mes travaux, il y a un côté un peu militant, mais c’est surtout une prise de conscience, un coup de gueule. Ça a un côté un peu engagé, un peu citoyen, de dire aux gens : réveillez-vous. Au fond, la virtualité, ce n’est pas la vie, attention à toutes ces lois qu’on vous impose, ce n’est pas toujours bon de les respecter. » Mais il est surtout bon de tordre les principes de l’art.

De la législation psychologique, à la galerie Marielle Bouchard jusqu’au samedi 15 juillet

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