Effets du quotidien
L’acte, dans sa banalité transgressive, a ouvert au début du XXe siècle une brèche artistique. Cet acte, celui du ready-made, Chloé Jarry l’a fait sien et l’a détourné par le prisme de sculptures céramiques, ultime pied de nez à l’industrialisation et à l’art. Un Effet de seuil déroutant de transparence à découvrir au Centre d’art Bastille.
Il y a dans l’œuvre de Chloé Jarry une simplicité déroutante où l’ambiguïté se loge dans chaque pièce. S’agit-il d’une œuvre de l’exposition ou d'un élément permanent de cet espace de monstration ? À chaque nouvelle proposition, l’artiste joue avec les codes quotidiens de l’environnement jusqu’à nous faire douter de la certitude des objets. Des objets ordinaires, issus de l’industrialisation sérielle, qui opèrent un déplacement de paradigme ainsi placés dans un contexte artistique.
Mais elle pousse le vice du ready-made de Marcel Duchamp plus loin en reproduisant en céramique ces usages, extraits de son quotidien ou en référence au lieu, troublant la frontière entre réalité et artifice. La quintessence du banal est ainsi mise en exergue dans l’enceinte du Centre d’art Bastille avec des sculptures d’anneaux, renvoyant au passé militaire du fort, ou des chaînes et des bittes d’amarrage, outils qui se sont immiscés dans l’œuvre durant sa résidence à Moly Sabata, en bord de Rhône.
Données personnelles
Dans ce maillage sculptural qui tend à offrir un nouveau regard sur l’usuel, Chloé Jarry injecte une dimension poétique en créant une narration individuelle dans le trivial : l’ampoule Luce brille alors par filiation du nom, quand la Modulation de surface 3 fleurs puise son inspiration dans l’ouvrage familial. Les codes personnels et in situ s’entremêlent ainsi avec plus de complexité qu’il n’y paraît dans l’œuvre de l’artiste.
Plus qu’une simulation, la sculpture en céramique devient une tentative d’appropriation par l’artiste. Plus qu’un geste d’artisan, l’action de sculpter renferme une volonté d’opposition à la masse manufacturée, pour une quête de singularité matérielle.
Effet de seuil, au Centre d’art Bastille jusqu’au dimanche 18 juin