Japon & graphisme, amour visuel
Sortir des sentiers battus clichés et apporter un regard sensible sur la création visuelle, tels sont les leitmotivs du Mois du Graphisme organisé par le Centre du graphisme d’Échirolles depuis 1990. Placée sous le signe du Japon, cette nouvelle édition intitulée Made in Japan met en lumière l’amour japonais pour un graphisme de qualité, entre tradition et modernité. Tour d’horizon des diverses expositions en terre nippone, à voir à Échirolles et ailleurs jusqu’à la fin janvier.
Les Sublimes créatures de Kazumasa Nagai
Puisant son inspiration dans la nature contée des légendes japonaises, Kazumasa Nagai creuse le sillon d’un univers graphique fait d’animaux étranges. Considéré comme l’un des grands maîtres du graphisme japonais, auteur de l’affiche de cette édition du Mois du graphisme, il présente au Musée dauphinois une série de différents posters. La nature animale, découpée dans des aplats pastel où se loge le motif en détail, s’oppose à la perspective de visuels publicitaires, mêlant photographies et lignes géométriques.
Titrée Life, la proposition dévoile également quatre affiches du même nom pour lesquelles le designer affirme un style plus proche de la gravure. Poissons, oiseaux et plantes émergent du blanc de la feuille par la finesse du trait noir. Pour un environnement graphique peuplé de créatures, entre naïveté et finesse du tracé, défense de l’animal et pureté de l’image.
L'art du magazine
Comme le graphisme n’est pas qu’une question d’affiche, aux Moulins de Villancourt, le design se dévoile de page en page à travers une séduisante sélection de revues japonaises. Magazines in Tokyo explore la presse de la capitale nippone qu’elle soit dédiée à l’art, à la mode ou à la nourriture. À travers une scénographie remarquable, tel un chemin de fer mettant en valeur la présentation des diverses publications, les couvertures révèlent le talent des graphistes japonais entre Unes composées avec complexité par la typographie et visuels pourvus d’une sobriété minimaliste renversante.
La photographie s’immisce également dans cet exercice, tout comme l’illustration, marquée par l’esthétique de la tradition culturelle. Une pluralité de traitement qui va jusque dans le format, du petit au grand.
L’espace centrale de l’exposition offre son écrin à Idea, magazine de renom dans le milieu du graphisme, déroulant le long de trois murs les Unes de 1953 à 2014, témoins de l’évolution du visuelle de l’édition, au Japon comme ailleurs.
Virtuoses de l'affiche
Leur symphonie n’est pas sonore, elle est visuelle, et ils la maîtrisent avec une ingéniosité et une créativité débordantes. Élaborée comme une rétrospective, l’exposition Japon : les grands maîtres de l’affiche présente les travaux de 12 designers, de 1950 à nos jours. Si l’estampe demeure dans l’inconscient collectif occidental la forme dominante de l’expression plastique sur l’archipel, l’affiche occupe pourtant depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale une place importante.
Les murs du Musée Géo-Charles sont ainsi tapissés de posters où l’imagerie traditionnelle japonaise se frotte à l’esprit contemporain des graphistes. Les traits animaux de Kazumasa Nagai laissent place aux aplats colorés et vibrants de Mitsuo Katsui, tandis que le style de Shigeo Fukuda met en exergue le talent des japonais pour l’affiche avec des visuels où la découpe devient gestalt hypnotique et l’illustration une complexe composition efficace.
Temple de l'imagerie japonaise
C’est au creux de l’ancienne mairie d’Échirolles que le Centre du graphisme s’établit désormais physiquement, à l’année. Disposant d’un écrin idéal pour transmettre au public les valeurs de la création visuelle, le centre a ouvert ses portes avec la proposition I love Japan. Graphisme & modernité. Affiches, mobiles découpés, films et packagings ponctuent le parcours le long de trois espaces, véritable condensé qualitatif du design japonais sous toutes ses formes.
Et c’est alors dans la diversité des supports et des sujets qu’éclatent la singularité graphique des Japonais, leurs productions ne ressemblant à aucune autre. Au gré des posters s’exposent des constructions graphiques où le texte ne se soustrait pas à l’image, offrant une liberté créative unique. La typographie est alors champ d’innovation. En mêlant encore la tradition à l’esthétique contemporaine, les designers conçoivent des visuels riches, où la pudeur et la finesse des lignes deviennent forme prégnante.
Études de style
À s’y méprendre, on pourrait croire que les affiches présentées à la bibliothèque Kateb Yacine sont elles aussi le fruit de designers japonais tant les propositions sont réussies et imprégnées de la culture du pays du Soleil-Levant. Il s’agit pourtant de travaux d’étudiants, déployant un panorama graphique remarquable.
Portant un regard occidental sur le graphisme asiatique, les élèves de dernières années de Penninghen, école de direction artistique et d’architecture intérieure basée à Paris, ont imaginé leur version du thème Made in Japan au cours de l’année 2015-2016. Ayant pour seule référence leur inspiration personnelle, ils explorent une multitude de voies entre affiches typographiques, illustrations et collages. Une trentaine de propositions aussi séduisantes les unes que les autres, la typographie bénéficiant bien souvent d’un traitement particulier. À découvrir jusqu’au samedi 31 décembre.
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Au Centre culturel de Montrigaud, à Seyssins, le graphisme est militant avec l'exposition Yuko Araki : femme graphiste au Japon. Soit l’une des rares femmes à être membre de l'association des graphistes japonais (JAGDA) et du Tokyo Type Directors Club, qui puise son inspiration dans le silence et l’espace. À la Rampe d’Échirolles, Les étudiants fêtent le graphisme en rendant hommage au Japon. Tout comme à Varces, où les Affiches sociales made in Japan mettent en images la lecture de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen 1789-1793. Une trentaine de posters à admirer au Centre socioculturel Emile Romanet.