Le souffle de la nature
Malgré un pinceau énergique, il se dégage une douce quiétude de la nature de Mengpei Liu. Entre représentation fantasmée de son pays natal la Chine et réalité presque abstraite des vues du Vercors, l’artiste dépeint des paysages sublimés dans lesquels on tombe à la galerie Xavier Jouvin.
Poser son regard sur une toile du Vercors de Mengpei Liu, c’est comme être soufflé par la douce puissance de cette nature représentée. Un paradoxe d’émotions prenant sa genèse dans la touche de l’artiste et, surtout, dans son histoire et la culture de son pays.
Née en 1991 à Anhui, petite province chinoise, Mengpei Lui grandit en s’empreignant des paysages typiques de l’est du pays, entre montagnes et cours d’eau. Autant de fragments mémoriels qui ressurgissent lorsqu’elle arrive à Grenoble en 2013 pour poursuivre ses études à l’École supérieure d’art et de design, après un cursus en design dans sa ville natale et l’expérience de la peinture traditionnelle à l’encre de Chine. Sa rencontre avec les massifs isérois provoque alors un besoin urgent d’exprimer par la peinture les sentiments enfouis en elle.
De Shanshui à Grenoble
Sensible au paysage shanshui (littéralement montagne-eau), représentation picturale importante dans l’histoire de l’art chinois, mais aussi à l’émotivité vécue devant les œuvres du peintre chinois Guanzhong Wu, Mengpei Liu puise dans de nombreuses influences qui jaillissent alors sur ses toiles. Face aux montagnes grenobloises, elle retrouve les paysages chinois où monts verdoyants et cours d’eau paisibles dessinent la nature. Les souvenirs d’une nature lointaine percutent alors les sentiments ressentis face à une vallée visible à travers une touche vive et floue comme un mirage.
Lumineux et indéterminés, les paysages de Mengpei Liu sont alors autant de dilution du passé qu’une réalité présente. Dans la force de son pinceau et la représentation vaporeuse des vallées s’esquissent une filiation avec la peinture du Français Philippe Cognée. Un mélange de tradition et de modernité qui insuffle aux vues brossées un caractère somptueux.
Tombée dans sa peinture
Car la poésie picturale de Mengpei Liu se révèle à force de regard. Par dessus les doux camaïeux verts chargés de densité glissent les coulures légères du ciel. Sa peinture épaisse hache la toile avec force tandis que l’encre noirâtre injecte d’une sensation atmosphérique à ses paysages.
Et c’est alors qu’on rentre dans la peinture de l’artiste, comme aspiré par la lumière d’un pigment jaune, rouge ou ocre, qui émerge de la plaine marron. Le détail se loge dans le creux de la matière et subjugue le regard. Le panorama bucolique devient déambulation mentale, par l’interstice de nuances subtiles qui ponctuent cette étrange beauté de la nature, entre puissance et apaisement.
Tombée dans le paysage, à la galerie Xavier Jouvin (Grenoble) jusqu’au samedi 3 décembre