De ligne en ligne
Qu’elle soit un mot ou un dessin, la ligne de Michel Seuphor demeure hypnotique et musicale. Artiste à l’œuvre prolifique décédé en 1999, il défendit sa vie durant une peinture abstraite sensible de laquelle émergent des images. À Grenoble, le Hang’art en dévoile une sélection qui déploie avec ingéniosité le fil de Seuphor.
Suivre la ligne de Michel Seuphor, c’est regarder au-delà du visible et laisser l’envoûtement opérer. Figure importante de l’art abstrait au XXe siècle, l’artiste et théoricien traversa le siècle (1901 – 1999) et le monde en s’imprégnant de ses richesses, avec un intérêt accru pour les langues. Une curiosité et une ouverture qui marquent alors profondément son œuvre de façon lyrique et spirituelle.
Philosophe, plasticien et poète, Michel Seuphor défend dès 1929 à Paris l’art abstrait en fondant le groupe Cercle et carré avec l’artiste Joaquín Torres García, en opposition avec le mouvement surréaliste. Sa poésie est pourtant influencée par le mouvement Dada, pour lequel la sonorité prime en littérature. Une musique que l’on retrouve dans ses « dessins unilinéraires » autour des années 1930, mais où l’esthétique se rapproche de l’abstraction géométrique de Piet Mondrian, à l’inverse du surréalisme.
Vingt ans plus tard, l’artiste développe ses « dessins à lacunes à traits horizontaux ». Un process précis que Michel Seuphor explorera jusqu’à la fin de sa vie, traçant un style unique aux multiples variations, dont quelques œuvres réalisées entre 1960 et 1990 défilent actuellement au sein du centre d’art le Hang’art.
Somptueuses lacunes
Comme tirées d’un seul trait, les œuvres de Michel Seuphor se déploient de murs en murs selon des lignes horizontales noires, disposées parallèlement à espacements variables. Et c’est dans la discontinuité de ces tracés que surgit alors la forme. Au milieu de cette perspective linéaire apparaît un demi-cercle, un bâton, un mot ou même le visage d’un Philosophe hirsute muni d’un peigne à idées, rapprochant sa peinture d’une figuration décalée.
Ces motifs, l’artiste les appelle des lacunes. Il n’y a pourtant dans l’apparition de ces modèles aucune insuffisance mais plutôt une légèreté plastique qui donne du mouvement à la composition. Une sorte de tension équilibrée entre le segment noir et la lacune, douce poésie plastique où se rencontrent le plein et le vide. La couleur est parcimonieuse, soulignant les combinaisons ordonnancées de l’artiste.
Totalement abstraites en superposant des cercles et des barres, ou partiellement figurées en esquissant des symboles africains, les créations de Michel Seuphor sonnent comme un poème ouvert, son dessin interférant en permanence avec sa littéralité. Une œuvre qui joue avec les renversements, à l’image de l’artiste, Seuphor étant un anagramme d’Orpheus.
Seuphor, au Hang’art, jusqu’au samedi 26 novembre