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Kandinsky ou l'abstraction affranchie

Pionnier de l’abstraction, animé par une « nécessité intérieure », Vassily Kandinsky (1866-1944) a fait œuvre de spiritualité dans sa peinture. Une peinture qui versa dans le biomorphisme durant ses dernières années à Paris, centre de la nouvelle exposition du Musée de Grenoble. Une présentation qui dévoile les tenants, plastiques et symboliques, de cette période pour une exposition céleste.

Des lignes anguleuses découpant la couleur aux cellules constellant la toile, l’œuvre de Vassily Kandinsky est animée par le même dessein, ponctué d’évolutions plastiques qui creusent, au début du XXe siècle, le sillon de l’abstraction.

Né à Moscou en 1866, l’artiste russe connaîtra plusieurs exils qui marqueront son art. C’est dans ce contexte que le Musée de Grenoble dévoile l’exposition Kandinsky, les années parisiennes [1933-1944] et cherche ainsi à parcourir l’œuvre d'un des pères de l’abstraction à travers le prisme de son histoire personnelle, marquée par diverses ruptures qui influencent alors sa touche.

Au début de sa carrière, Kandinsky déploie une abstraction profondément mentale d’abord à Munich, en théorisant notamment l’abondant de la figuration au profit d’une « nécessité intérieure » dans Du spirituel dans l’art en 1911, puis au Bauhaus de Weimar, école allemande dans laquelle il enseigne jusqu’à sa fermeture par les nazis.

L’artiste explore une abstraction picturale plus douce et imagée lors de ses dernières années à Paris, décennie de son œuvre la moins connue pourtant extrêmement prolifique. Fuyant la montée du nazisme, il installe à Neuilly-sur-Seine en décembre 1933 et développe un style biomorphique libéré de toutes contingences esthétiques insufflées par la mouvance parisienne de l’époque.

Combinaisons biomorphiques

En arrivant en France, Vassily Kandinsky exprime la volonté de s’imposer sur la scène parisienne. Il évolue alors dans un environnement différent qui affecte directement son vocabulaire plastique : la géométrie du Bauhaus laisse peu à peu place à des tracés ondulatoires, tandis que la palette chromatique s’adoucit. Ce transfert d’écriture se lit dans la toile Développement en brun, œuvre charnière pour l’artiste réalisée en 1933 et qui clôt les années allemandes.


L’exposition met ainsi en lumière le cheminement de l’artiste à travers un parcours chronologique, où chaque année est illustrée par une sélection d’œuvres. En 1934, la pièce Étude pour chacun pour soi manifeste de la difficulté pour Kandinsky de se confronter à l’hostilité de la capitale envers l’abstraction. Mais c’est aussi l’année durant laquelle le peintre élabore un nouvel alphabet constitué de formes biomorphiques.

Une grammaire formelle issue de ses lectures scientifiques : l’infiniment petit fait face au cosmos, la cellule à la voie lactée. Les lignes s’arrondissent, l’espace pictural est constellé de petits organismes indéterminés, et le coloris se pare soit d’une teinte céleste comme dans Mouvement I (1935) soit d’un pastel floral jusque dans le motif à l’image de Brun supplémenté (1935).

Fusion artistique

Marqué par les travaux scientifiques des années 1930 et cherchant à voir une nouvelle réalité, Kandinsky poursuit ainsi sa recherche artistique avec des tableaux cases. Pour Trente (1937), le peintre compartimente la toile en injectant des embryons bigarrés dans chaque espace, conférant aux formes un aspect zoophorme où insectes, végétaux et invertébrés aquatiques flottent dans la matière picturale. En rupture avec les événements historiques, Kandinsky cherche la féerie en 1940 avec Bleu de ciel, offrant une toile lumineuse et joyeuse peuplés d’étranges organismes dans le bleu originel.



Les dernières années de vie s’établissent comme une « Grande synthèse » dans laquelle sa grammaire formelle unit les différentes phases de son œuvre. Actions variées (1941) donne ainsi à voir une profusion d’éléments, mélangeant une multitude de signes et de couleurs qui constellent l’interstice de la toile pour créer un nouvel univers. Véritable tableau dans le tableau, l’artiste déploie une touche poétique qui tente de sublimer le vrai dans une peinture où l’abstraction est marquée par une figuration imaginaire presque palpable. Autant de signes et de quêtes plastiques qui dévoilent l’extrême richesse d’un artiste dont la genèse plastique aura été la liberté, jusqu’à sa mort en 1944 à Paris à 78 ans.

Kandinsky, les années parisiennes [1933-1944] Au Musée de Grenoble, jusqu’au dimanche 29 janvier 2017

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