Au détour d'un soleil
Poursuivant la célébration de sa dixième année d’existence, le Centre d’art Bastille accueille tout l'été l'exposition collective Sous le soleil exactement, coucher de soleil et lever de rideau où la question du paysage est mise en exergue. Une déambulation (ir)réelle se dessine alors entre couchers de soleil et banquises éternelles.
Surplombant la ville, le Centre d’art Bastille s’invite dans le décor montagneux de Grenoble tout en laissant le paysage s’immiscer entre ses murs. Avec la proposition Sous le soleil exactement, coucher de soleil et lever de rideau, c’est ainsi une double dialectique qui s’installe dans laquelle les œuvres présentées offrent un nouveau paysage tout en répondant à l’environnement spatio-temporel du lieu.
L’exposition collective, seule contrainte émise par la direction du Cab, tend alors à interroger la notion de paysage à travers plusieurs pièces et à mettre en avant le travail de commissaire. Confiée à Eloïse Guénard, l’élaboration du projet joue sur la dualité des deux composantes du paysage, entre réalité et imaginaire.
Nature de l'illusion
L’imaginaire de la nature devient représentation théâtralisée avec Bertrand Lamarche qui joue, grâce à un réflecteur, avec les murs de pierre sur lesquels est projeté un mouvement minéral et onirique. Quant à Caroline Corbasson, en recouvrant un globe de graphite et transformant ainsi la terre en lune, elle interroge les certitudes scientifiques.
La pièce de Paul Pouvreau crée au contraire l’illusion d’un décor : un carton d’emballage Stiga photographié sur un faux fond qui confond alors le graphisme de la marque avec une ligne d’horizon fictive. La frontière entre réalité et fiction devient poreuse, et est poussée à son paroxysme dans les clichés de David Coste où le Portrait d’espace dévoile le paysage d’un paysage.
Résonance d'espace
Au contraire, le paysage de Julien Creuzet se fond avec celui des montagnes alentours. Le cliché L’horizon introspectif apposé sur la fenêtre du deuxième niveau suit les lignes rocheuses au loin, superposant une vue de la Martinique à celle de l’Isère (photo en tête d'article).
De leur côté, Nicolas Darrot et Sigurdur Arni Sigurdsson proposent chacun une œuvre qui résonne avec le téléphérique montant à la Bastille : le premier par un mécanisme de va-et-vient obstruant partiellement la vue, le second en plongeant le regard dans une carte postale où le dessin imagine la suite.
Une suite qui ouvre l’espace sur une nouvelle géographie, à l’instar de la vidéo de Jean-Claude Ruggirello. Fade voit défiler durant 52 minutes des paysages au soleil couchant extraits de captures glanées sur Internet. Un collage visuel et sonore qui définit un horizon en perpétuelle mutation tout en étant continu.
L’œuvre ‘44’ de Simon Faithfull joue sur le même mode, en instaurant cependant une forme de frustration. À bord d’un brise-glace pendant 44 jours lors d’une mission en Antarctique, il a filmé l’extérieur à travers un hublot restreignant la vision à un œil. Conservant une minute chaque jour, le montage dévoile un paysage faussement reconstitué.
Une ouverture sur un ailleurs qui répond étrangement au travail de Dominique Blaise. Avec ses 16 micros inversés, la pièce Ellipse diffuse un son capté en Norvège, celui de l’air. Le bruit circule, de manière hypotonique, et nous invite à un autre territoire, plus mental, inconnu.
Un autre monde
Les autres pièces exposées tendent également à brouiller les pistes. Depuis 1979, Lotty Rosenfeld redéfinit ainsi l’espace urbain à travers des interventions qui transforment la signalétique routière. Réalisant des croix à même les marquages de la route, l’artiste modèle un nouveau flux, notamment en guise de protestation à l’époque envers la dictature du général Pinochet.
La réponse d’Edith Dekyndt pour un monde apaisé est chargée de poésie légère. One second of silence rassemble sous un même drapeau, transparent flottant dans l’air, tous les humains pour une terre utopique, hélas fictive.
La fiction devient science cependant avec Mathilde Barrio Nuevo qui effectue un changement de paradigme en faisant de la piscine un cratère ou un ovni tout droit sorti d’un récit de science fiction.
Quant à la dernière œuvre de l’exposition, pensée par Nina Beier et Marie Lund, ce sont les médiatrices qui en font le récit, afin que chacun puisse créer son propre univers.
Sous le soleil exactement, coucher de soleil et lever de rideau, jusqu’au dimanche 25 septembre au Centre d’art Bastille
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