Le renouveau de la sculpture
Une nouvelle écriture sculpturale : voilà ce que propose le Japonais Go Segawa en faisant du dessin un volume qui se construit dans l'espace. Une signature subtile et poétique qui déroute le regard et redéfinit la perception par un jeu illusoire. Un dessin en 3D défiant la pesanteur, à découvrir au Hang'Art.
Des premières fresques réalisées dans les grottes à l'ère numérique, la peinture n'a eu de cesse de rythmer l'histoire de l'art tout comme la sculpture a traversé les âges de manière prégnante. Ces deux formes plastiques empiriques, parfois empruntes de classicisme, le Japonais Go Segawa s'en est emparé pour signer une nouvelle écriture à la fois contemporaine et nuancée. Une combinaison qui interroge la dimensionnalité de l'environnement et le champ gravitationnel, en prenant sa genèse dans le parcours de l'artiste.
Né à Saitama en 1970, décennie qui annonce les prémices des produits 3D, Go Segawa s'exerce dès l'âge de 17 ans au dessin dans sa forme académique. Cette concomitance – son exploration du tracé en 2D et l'avènement tridimensionnel des objets – déclenche chez lui un processus de création qui deviendra son leitmotiv : élaborer des modules associant la peinture et l’architecture en trois dimensions. D'où ces matrices jouant sur la matérialité et l'immatérialité, l'espace virtuel et l'espace réel, la légèreté et la pesanteur, redéfinissant la notion même de sculpture avec lyrisme et subtilité, aux moyens d'outils numériques.
Espaces dessinés
C'est là toute la finesse de l’œuvre de Go Segawa. Usant d'un logiciel 3D pour simuler les modélisations de ses dessins en volume, il arrive à extraire une poésie légère d'un procédé purement mathématique et virtuel. Mais le résultat va au-delà d'une sublimation d'une application initialement technique. En démultipliant le dessin dans l'espace, il crée un nouvel univers où seule la forme existe, comme flottant dans l'air, et vient perturber le regard en offrant une perspective mouvante suivant l'angle.
Sa série Dessin/Volume, développée depuis 1999, révèle toute la quintessence de sa démarche. Un jeu de plan, de regard et de forme qui brouille les limites du réel et du perceptible. Transposant ses esquisses organiques et géométriques sur des lamelles de polyester transparentes, il les assemble ensuite tel un puzzle cubique où la profondeur laisse passer la lumière et permet à la vision de parcourir l’œuvre de l'intérieur. Le tracé devient alors 3D grâce à la superposition des feuilles.
Au creux d'un cube translucide, l'illusion d'une sphère se matérialise comme suspendue dans un temps hors du numérique mais aussi du moment présent. Un glissement du dessin vers la sculpture qui ouvre des allers-retours incessants entre les deux techniques.
Volumes insaisissables
Dans l'espace Hang'Art, les différents modules se dispersent dans un environnement baigné de lumière qui dévoile toutes les nuances des pièces. Plusieurs séries se côtoient comme autant de variations du manifeste sculptural de l'artiste. Sur des étagères, des petits volumes se succèdent révélant des cercles ou des carrés enfermés dans d'autres cercles, telle une mise en abyme de la peinture inscrite sur le polyester. Alors qu'intégrée dans le cube transparent, la forme semble indépendante de sa structure, vaporeuse et légère à la fois. La couleur devient elle-même une substance à part entière, une entité impalpable mais dotée d'un volume.
Parmi les sculptures moyennes parsemées dans la déambulation, Le cube penché interroge avec complexité la perception de l'espace. Les aplats de couleur ont laissé place à des arrêtes noires qui démultiplient à l'infini l'architecture géométrique et les points de vue, laissant alors apparaître de nouveaux contours. L'abstrait fait face à des pièces figuratives comme une main ou le visage de l'artiste, telle une exploration infinie d'un concept en perpétuel mouvement, en métamorphose continue dans la série comme dans l’œuvre, pour une déambulation mentale au cœur d'un univers parallèle.
Go Segawa, au Hang'Art jusqu'au samedi 14 mai