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Passeurs d'histoires

Dans une ère accélérée, la maxime « résister au temps » tend à accentuer la nécessité de se raconter. Un socle réflexif pertinent proposé par le Centre d'art Bastille dans le cadre de ses dix ans, avec l'exposition collective N(v)otre H(h)istoire. Une sorte de rétrospective qui interroge les murs du lieu mais aussi la pérennité de l'art contemporain, à travers nos histoires individuelles et communes.

Si la dernière exposition du Centre d'art Bastille questionnait notre mémoire collective à travers l'Histoire des déportés politiques sous l'empire colonial, l'actuelle s'insère dans un souvenir local et artistique, où chacun se raconte. N(v)otre H(h)istoire, regroupant 15 œuvres d'artistes français et étrangers, interroge le temps qui passe à travers la notion d’implantation, sur le site même de la Bastille comme carrefour historique et touristique grenoblois, et la persistance de l'art, en tant qu'objet mais aussi expérience.

En une décennie, une cinquantaine de projets ont eu lieu entre ces murs de pierres, et tel un mémento artistique introspectif, l'exposition sonde les esprits sur ce qui doit rester de ces dix ans. Face à la perte de mémoire, l'Histoire et les histoires intimes s'entremêlent pour résister à l'effacement.

Des souvenirs croisés que le centre d'art tente de rejoindre en présentant quelques artistes déjà passés ici, comme pour défier le temps qui passe et réactiver un moment où plusieurs éléments étaient en jeu : l'expérience individuelle, la participation commune à une exposition et l'apport de l'art contemporain.

Réminiscence plurielle

Vous ne mourrez jamais, œuvre néon qui ouvre l'exposition, est signée Laurent Pernot. À travers les tubes lumineux, la phrase à double sens, qu'on ne saurait déterminer comme questionnement ou affirmation, met en exergue l'évidence de la fin de toute chose. Mais la pièce, recréée car cassée lors d'une exposition prévue au Cab il y a quelques années, trouve enfin sa place dans un souvenir qui ne lui appartient pas. Le reste de la déambulation présente trois œuvres du même Laurent Pernot qui jouent à chaque fois sur la notion de temps, en le laissant filer ou en le givrant.

Sur le même niveau, la Société Véranda, collectif à géométrie variable, rend hommage au travail du plasticien français Jean-Pierre Raynaud au moyen d'une vidéo et d'une une installation pour révéler deux de ses œuvres devenues invisibles dans l'espace public.

À l'étage d'en dessous, Kapwani Kiwanga recrée un moment politico-culturel au moyen d'une photo d'archive présentant le bouquet d'un banquet. Suivant un protocole, la composition florale est refaite comme autant de tentatives de revivre un moment clé, pour finalement pourrir à l'image de l'Araignée de Michel Blazy dont le temps grignote la surface. Dans la salle du bas résonnent les battements de cœur de Christian Boltanski, vaine tentative de capter sa propre existence qui, dans l'espace du Cab, se retrouve diffusée en tout lieu par la pierre.

N(v)otre H(h)istoire, au Centre d'art Bastille jusqu'au dimanche 19 juin

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