Regard dévoilé
En 10 ans, 50 artistes sont passés par le centre d'art contemporain de la ville de Fontaine, dévoilant des œuvres figuratives ou abstraites traitant du présent ou faisant référence au passé. En en sélectionnant 17 pour l'exposition collective anniversaire des 10 ans, la directrice du Vog Marielle Bouchard cherche l’éclectisme artistique et donne la primauté au format 2D dans un souci de cohérence. De grandes lignes se dessinent au fil d'un parcours allant de l'histoire de l'art au paysage en passant par la peinture. Tour d'horizon avec une sélection de neuf artistes.
Coulures et transparences
Bien connu dans le monde artistique, Marc Desgrandchamps éprouve la peinture par la coulure et la transparence ce qui lui permet de créer des scènes entre réel et imaginaire. C'est en prélevant des éléments d'une photographie prise sur le vif ou d'un film que l'artiste met en place cette atmosphère étrange dans laquelle on semble voir plusieurs mondes. Passé au Vog en 2012, il dévoile aujourd'hui Sans titre (1999), pièce marquante de sa carrière. Dans ce grand format, on ne sait ce qui est personnage ou nature, l'ensemble baignant dans un air bleuté irréel.
Révolte picturale
Après un passage au Vog en 2011, puis un récemment à l'IAC de Villeurbanne dans le cadre des Rendez-vous 13 de la jeune création internationale de la Biennale de Lyon, Johann Rivat revient à Fontaine et dévoile une évolution dans son travail. Les coulures ont laissé place à une peinture plus proche de la réalité, extraite de l'observation du quotidien, de la presse ou d'internet. Death or glory, issue d'un ensemble prenant pour sujet la révolte, est une toile qui happe dès le premier regard par son format mais aussi la prégnance de ce paysage apocalyptique, cherchant dans le vif de la couleur une prise de conscience politique.
Nature habitée
Découvert au cours de l'année 2015, Romain Bernini présentait des toiles à la végétation tropicale dans laquelle un personnage isolé ne nous disait pas grand-chose. Pour l'anniversaire du Vog, il présente cette fois-ci une scène sans espace où un aigle s'approche d'un homme sans visage. Mais l'action apparaît suspendue, comme stoppée dans son élan ce qui crée une étrange tension entre les deux personnages et l'environnement vidé de tout repère mais chargé d'angoisses. Des angoisses matérialisées par un jeu de coulures et de transparences rappelant quelque peu Marc Desgrandchamps.
Mona noire
Artiste né au Togo, Folly Afahounko s'intéresse à travers la photographies aux préjugés raciaux. Par une mise en scène théâtralisée, il dénonce les clichés liés à la couleur de peau. Quatre ans après son passage au Vog, il revient avec une œuvre emblématique pour l'histoire de l'art et la mémoire collective : Mona Folly, où l'artiste s'est lui-même grimé en Joconde. Une double lecture se met en place oscillant entre humour et réflexion. Folly Afahounko porte un regard fort sur la société et le développement de l'art, dont le vitrage installé devant le cliché ne fait que renforcer l'aspect critique envers la création contemporaine. En prenant une figure occidentale populaire et en transgressant le genre et la couleur de cette dernière, il devient une nouvelle icône universelle inscrite dans notre histoire actuelle et remet en cause la valeur, symbolique comme financière, de l’art.
Portraits intemporels
Le portrait photographique, tel est le leitmotiv de l'artiste Virginie Marnat-Leempoels. De visage en visage, elle met en place des séries dans lesquelles la mise en scène est primordiale afin d'explorer les archétypes de notre société contemporaine. Mélangeant divers codes de l'iconographie artistique et de la culture populaire, elle produit des photographies au long discours narratif. Alors qu'en 2009, lors de son passage au Vog, elle s'intéressait au statut de la femme, elle dévoile aujourd'hui avec Étrange visage – Valentin un portrait faisant référence à la peinture du XIXe siècle.
A coquillages ouverts
En 2008, Cécile Hesse et Gaël Romier exposaient au Vog une série de photographies au fort potentiel absurde dont la mise en scène visait à dérouter le spectateur. Ceux qui se sont rencontrés lors de leurs études de photographie à Vevey en Suisse vivent et travaillent ensemble depuis. Un tandem artistique qui propose des œuvres pleines de poésie et de sous-textes comme ce coquillage « perruqué ». Issu d'un diptyque, ce portrait est tout à la fois ironique, sensuel et vecteur d'imaginaire. C'est là toute la puissance mise en place par Les yeux décousus renvoyant à la plage, à une oreille ou à un sexe, chacun étant libre d'écrire l'histoire de l’œuvre.
Au pays argenté
Quand la montagne se pare de blanc, c'est que l'hiver est là ; quand elle se couvre d'argent, c'est que Gilles Balmet l'a capturée. Artiste bien connu dans la région, le Grenoblois mène une quête de la « silver mountain » via une technique qui lui est propre : plonger des feuilles dans un bain d'encres entraînant une action qui empêche les particules colorées d'adhérer efficacement au support pour ne laisser qu'un dépôt vaporeux. La montagne devient alors un espace irréel, voire fantasmé par les contrastes d'argent et de noir. Comme hors de toute réalité naturelle, l’œuvre nous plonge dans un univers abstrait séduisant et mystérieux. Exposé en 2009 au Vog, il montre pour cette nouvelle exposition une de ses Silver mountains.
Résiné d'art
La photographie et la peinture ne sont cependant pas les seuls médiums représentés au Vog, la sculpture et l'installation faisant souvent des apparitions aux creux des murs. Comme avec Étienne Bossut. Si certains artistes développent leur art selon la pluralité des supports et des matières, d'autres s'appliquent à toujours utiliser la même démarche plastique. Étienne Bossut fait partie de cette deuxième catégorie, lui qui a introduit très tôt dans sa carrière artistique la résine afin de mouler des objets du quotidien. Vidés de leur fonction, ils deviennent alors obsolètes tout en opérant un changement de statut. Exposé en 2010 au Vog, il avait présenté une cabane rouge. Cette fois, c'est un petit salon rouge fait d'un fauteuil et de valises avec au mur des monochromes. Un espace qui lie le quotidien à l'art à l'intérieur d'une fiction en résine.
L'art en barre
UCD est un collectif européen dont la formation prend genèse dans « un certain détachement », sentence prononcée par Claude Gazengel. Émergé à Grenoble en 2005, il s'invite au Vog en 2007 et compte 41 artistes en 2011. L'objectif est énoncé dans la narration écrite qui leur sert d’étendard : exposer dans des cadres inhabituels. C'est chose déjà faite avec leur distributeur de dupliques d’œuvres d'art montré dans des espaces publics mais présenté pour la première fois au Vog. À la fois ludique et dénonciatrice, la pièce critique le marché de l'art tout en offrant une autre façon de se montrer.
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