Aux frontières du réel
De sa photographie documentaire émane une réelle poésie empreinte d'une vision artistique qui lui est propre : le Grenoblois Alexis Bérar dévoile jusqu'à la fin du mois plusieurs séries, entre friches désaffectées et natures mortes, à la galerie Pygmaphore et à la galerie Ex Nihilo. Rendez-vous avec un objectif naturaliste.
D'une galerie à l'autre, de série en série, un thème évident s'impose dans les photographies d'Alexis Bérar : la trace, l'empreinte, manifestation d'un passage, dernier marqueur qui souligne désormais le vide habité. Et si le sujet traité à la galerie Pygmaphore est sensiblement différent de celui exposé à la galerie Ex Nihilo, une composante commune s'esquisse : une esthétique réaliste, à la lisière de la mise en scène, avec un seul objet traité par image. Dans ses clichés, l'artiste joue avec la réalité si bien que le trucage devient réel et le vrai semble artificiel. En cherchant des compositions particulières, Alexis Bérar s'emploie à documenter la nature avec un regard réinventé et interroge la fonction même du médium photographique, représentation parcellaire d'un vrai rendu subjectif par l'affect de qui l'immortalise. C'est avec ce questionnement et cette volonté d'archiver le territoire que le photographe a réalisé la série Un Havre et un ensemble dédié aux animaux.
Réalité douce-amère
À la galerie Pygmaphore, le Havre se dessine à travers ses lieux industriels désertés, vidés de toute présence humaine et pourtant habités. En plan large, Alexis Bérar capture cette mémoire ouvrière, comme l'ont fait précédemment les photographes Allemands Becher, à la différence que le Grenoblois s'accorde la couleur et des prises de vues qui varient. Tels des vaisseaux voguant sur un ciel blanc, les bâtiments deviennent usines fantômes, soulignées par des détails de cadrages subtiles (le niveau d'un bloc qui se fond dans l'horizon). Du côté de la galerie Ex Nihilo, plusieurs séries sur les animaux sont présentées dont Ivre hiver. De la neige immaculée émergent une patte de biche, une corne. Tel un voyage funeste, les photographies nous plonge dans une nature mortifère au calme étrangement apaisant. Alors que les visuels Alors, eux aussi, ils se sont tus, réalisés en collaboration avec des ethnologues et sociologues pour un sujet sur la chasse, offrent une vision plus dure de la nature où le sang a coulé, pour finir avec les vanités sardines dévoilant un théâtre photographique entre humour et tragique.
Un Havre, jusqu'au samedi 31 octobre, à la galerie Pygmaphore Alors, eux aussi, ils se sont tus, jusqu'au samedi 31 octobre, à la galerie Ex Nihilo