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Much Loved

Marrakech, aujourd’hui. Noha, Randa, Soukaina et Hlima vivent d’amours tarifées. Ce sont des prostituées, des objets de désir. Vivantes et complices, dignes et émancipées, elles surmontent au quotidien la violence d’une société qui les utilise tout en les condamnant.

Sous le vernis hypocrite

Dans les rues de Marrakech à l’aube du XXIe siècle, un quatuor féminin tente de survivre en se prostituant. Faisant face au rejet familial, à la corruption policière et à la violence des clients, les quatre jeunes femmes demeurent dignes et solidaires malgré une société qui nie leur existence.

Devant l’air impassible de Saïd, leur chauffeur et homme à tout faire, Noha et ses deux copines s’adonnent à un échange des plus grivois, un condensé de vulgarité avant de se rendre à une soirée organisée pour des Saoudiens fortunés. Au cœur de la nuit arabe à Marrakech, le trio paré de strass s’en va accomplir sa besogne : récolter les fruits d’un amour tarifé. L’entrée en matière du film n’est pas une ouverture outrancière gratuite mais le moment où ces copines tentent d’enfiler le parfait costume de la prostituée pour mieux se distancier d’elles-mêmes.

Avec un regard quasi documentaire, Nabil Ayouch nous plonge dans le quotidien de ces femmes, offrant leur corps de princesses aux touristes Européens et aux riches du pays, qui luttent pour survivre. Au-delà du travail-sexe qui s’affiche sans fard à l’écran, le réalisateur nous fait pénétrer l’intimité de ces combattantes qui continuent de rêver. Indépendantes en apparence, car non soumises à une maquerelle ou autre proxénète, elles sont cependant confrontées aux dérives brutales des clients, au rejet de leurs proches qui profitent en toute impunité de l’argent qu’elles ramènent et au voile hypocrite des autorités qui s’arrangent avec la vérité pour mieux les exploiter. Mais plus que tout, elles doivent se battre pour exister dans une société qui s’efforce à les rendre invisibles.

Entre rage et optimisme

Cette solitude imposée n’est jamais réellement montrée, elle est suggérée tout le long dans Much Loved : des regards fuyants en leur présence, la distance créée entre elles et la population par la vitre de la voiture, les déambulations de Noha seule dans les rues. C’est alors qu’ensemble, accueillant une nouvelle recrue dans leur bande en cours de route, elles s’efforcent de s’affirmer tout en s’affranchissant d’un système patriarcal rétrograde face à cette société si laxiste envers les consommateurs, et complètement punitive à leur égard. Et ça, Nabil Ayouch le montre avec justesse et réalité, sans misérabilisme. Quand les pouvoirs publics cherchent à masquer les abus envers la condition de la femme dans son pays, le réalisateur franco-marocain décide de les révéler au monde.

Un puissant détonateur de vérité qui fait monter une rage indicible devant le portrait de ces quatre héroïnes du quotidien à la solidarité et l’humanité sans faille. Une colère qui s’avère (quelque peu) apaisée à la fin, sur cette plage où elles se retrouvent un instant, moment suspendu durant lequel elles semblent chercher un nouvel avenir. Un film naturaliste percutant, avec des interprétations poignantes, où le tabou est le plus grand crime.

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