Entre toi et moi
De selfies décalés en doubles portraits en passant par des dictons détournés, l'artiste Jing Wang crée tout au long de son œuvre une narration personnelle où se mêlent fantaisie et mystère. La bibliothèque Kateb Yacine en dévoile une partie, en photographie.
« En route pour la France, je me suis dit : "finalement, c'est toujours moi qui m'accompagne partout". » Suite à cette réflexion personnelle, l'artiste Jing Wang conçoit la série photographique C-elle qui m'accompagne, nom également de son actuelle exposition à la bibliothèque Kateb Yacine. L'ensemble des clichés dévoilent des selfies détournés, autoportraits qu'elle réalise avec un smartphone posé au sol. Les codes de la représentation de soi sont brisés, métaphore d'une société ultraconnectée et pourtant isolée. Prise à chaque fois en contre-plongée et à contre-jour, l'artiste se scénarise et propose un autre regard sur son image. Noyé dans sa masse de cheveux noirs, le visage est masqué et le reste du corps joue avec l'environnement. Vêtue telle une dame noire, devenant créature chimérique ou apparaissant de manière mystique entourée d'un halo de lumière, elle crée des ambiances à la limite du réel, parfois glaçantes et intimes, et de la fiction, entre personnage théâtrale et bête cauchemardesque. Une démarche photographique qui lui permet de s'approprier les lieux qu'elle investit et les éléments qui s'y trouvent, mais aussi son image sans se dévoiler complètement.
Des images et des mots
Dans la série Jamais partir, c'est au contraire l'image des autres qu'elle capte, encore une fois sans l'afficher pleinement. Sur de grands formats en noir et blanc, des parties de portraits découpés révèlent le bas du visage ou la poitrine de personnes âgées. Avec une subtilité fantomatique, la silhouette d'une autre personne vient se greffer sur l'image. Sorte de double portait entre proche et lointain, il s'agit du reflet des visiteurs dans les œuvres d'une salle d'exposition. L'artiste creuse ici encore un peu plus sa réflexion sur les liens humains. Alors que pour Vestige Memory, ce sont les mots qui sont mis en abyme. Chaque planche se décompose en triptyque avec deux polaroids suivis d'un texte imprimés. Jouant sur un décalage ironique de dictons ou de proverbes, Jing Wang les illustre avec humour créant un dialogue visuel et textuel et désamorce la simplicité de la technique avec des cadrages travaillés. Une œuvre pleine de poésie et d’énigme.
C-elle qui m'accompagne, jusqu'au samedi 11 juillet, à la bibliothèque Kateb Yacine