(Bon) ménage à trois
Une trentaine d'années les séparent, les premiers ont posé les bases du body art dans la mouvance de la performance, le second vient de la rue ; les premiers sont anglais, le second américain, et pourtant les trois artistes actuellement présentés à l'Espace Vallès trouvent des résonances plastiques dans leur création comme dans leur message.
Les premiers, Gilbert et George, se sont fait connaître par leurs « sculptures vivantes » qu'ils ont laissées derrière eux pour aujourd'hui se consacrer à de grands photomontages colorés. Le second, Shepard Fairey, plus connu sous le nom de sa marque Obey, est un street artist qui se fait réellement connaître en 2008 lors de la campagne présidentielle de Barack Obama pour laquelle il réalise une sérigraphie en rouge et bleu qui fera le tour du monde. Deux univers différents exposés dans l'Espace Vallès avec des œuvres piochées dans la collection de Claudine et Jean-Marc Salomon, créateurs de la fondation du même nom, mais dont les qualités formelles se rapprochent avec une tentative commune de remettre en cause nos sociétés contemporaines.
Et cette confrontation visuelle et sémantique se fait en grand dès l'entrée de l'exposition. Le mur de droite dévoile l’œuvre Garden City du binôme britannique, datant de 1991, tandis qu'en face, celui de gauche est envahi par une multitude de sérigraphies du street artist, produites entre 2010 et 2014. Au-delà des couleurs qui vibrent, construisant un fil conducteur entre le duo et le solo, c'est la liberté d'expression qui éclate : dans leur photomontage, Gilbert et George tire le portrait d'une jeunesse superficielle encadrée par deux petits démons rouges qui sont les artistes eux-même ; quand Shepard Fairey, lui, dresse un tableau fait d'aplats colorés où l'esthétique de la propagande soviétique est réemployée pour divulguer avec force son message sur l'environnement, la guerre, la politique, ou même l'influence de la musique.
À l'étage, cette mise en confrontation de deux générations qui regardent dans le même sens se poursuit : l'emploi de leurs propres images pour le tandem, sur fond de goutte de sang, sert alors de questionnement sur l'origine (Drops of Bloods, 1997), tandis que l'Américain convoque l'image des autres, comme pour Eat the Rich (2000) représentant Patti Smith, afin d'interroger les conditions humaines. Un art de la découpe saisissant que l'on retrouve dans les deux univers. Cependant, là où Gilbert et George distillent une vision sombre des hommes via des couleurs éclatantes, Shepard Fairey se limite au rouge et au noir mais ouvre une brèche sur un horizon où l'optimisme est possible.
Gilbert & George avec Shepard Fairey (Obey), jusqu'au samedi 14 mars, à l'Espace Vallès (Saint-Martin-d'Hères)