Au fil des crânes
La mort, et plus particulièrement le crâne, ont toujours entretenu des rapports puissants avec l'art qu'il s'agisse des vanités du Moyen-Âge, des peintures de Pablo Picasso ou plus récemment de l’œuvre en diamants de Damien Hirst (pour ne citer qu'elles). Une icône universelle qui permet aux artistes de traduire plastiquement toute l’ambiguïté de la vie qui ne semble se saisir que dans la mort. Une vision symbolique de notre existence expérimentée par des artistes contemporains actuellement exposés au Musée dauphinois dans le cadre de Confidences d'outre-tombe, squelettes en question. Une démarche atypique pour un musée patrimonial, pourtant déjà tentée auparavant dans ses murs, avec cette volonté de confronter l'art du XXIe siècle à l'histoire et au patrimoine.
Un pari risqué qui prend tout son sens en fin de parcours, tel un prolongement sur le rôle des représentations squelettiques dans nos sociétés. Suite à la sélection réalisée par Fabrice Nesta, artiste et professeur à l’École supérieure d’art et de design Grenoble-Valence, quarante-deux plasticiens français ont été invités à composer avec le même crâne, un moulage en plâtre blanc, pour donner leur définition de la vanité. Tous exposés dans la même galerie, intitulée pour l'occasion "la catacombe artistique", les crânes se succèdent en autant de version de la mort sublimée par l'art. De propositions colorées en propositions éclatées, certaines créations offrent un réel regard sur la question avec une pertinence créative saisissante – en témoigne l'œuvre ci-dessus réalisée par Carole Barraud, graphiste au Petit Bulletin, et Johann Rivat, artiste grenoblois. Bonus anniversarius, avec ses bougies coulées, devient l'image paradoxale de notre existence au cours de laquelle on célèbre les anniversaires, alors qu'ils expriment notre fuite vers une fin inéluctable.
Tout comme Ready mades, œuvre de Susanna Lehtiner qui reprend à son compte avec subtilité la démarche de l'artiste franco-polonais Roman Opalka pour traduire l'allégorie du temps avec des inscriptions blanches sur le plâtre brute. Plus léger, le masque de papier qui recouvre le crâne de Lise Roussel renvoie aux cultures hispaniques, dans une tentative esthétique de renverser la gravité de ce qu'implique la vanité. Quand le Musée dauphinois se met au contemporain, avec autant d'intelligence, on dit oui.