Culture underground
Véritable sujet anthropologique, le tatouage est avant tout un art qui va au-delà de l’encre et de l’aiguille. Dessinateurs hors pair, les tatoueurs marquent la peau des autres avec un style propre à chacun, qui se déploie par-delà l’épiderme. Car ces professionnels sont aussi des artistes, aux pratiques variées, qui méritent d’être exposés, selon l’avis (et le mien) de la galerie Spacejunk.
Le tatouage est devenu un phénomène de société, à tel point que le musée du quai Branly à Paris lui consacre actuellement une exposition (certainement pour renflouer les caisses). Mais passons sur ce détail économique, car outre la hype dont bénéficie cette activité, il s’agit véritablement d’un art, singulier et uniquement, encore trop peu reconnu. C’est dans cette optique que Jérôme Catz, directeur de Spacejunk, ainsi que Carole Le Bras, manager d’un salon de tatouages, décident de monter l’exposition Pimp my skin, avec l’idée de mettre en avant l’artiste plus que le tatouage. Contrairement au quai Branly, la proposition ne présente pas de modèles marqués à l’encre mais dévoile les pratiques artistiques diverses (peinture, dessin, sculpture) d’une dizaine de tatoueurs, fragment intime d’une œuvre qui ne s’écrit pas seulement sur l’épiderme.
Derrière l’aiguille
Car si tatouer est un art, il est aussi contraint par l’autre, tandis qu’une création purement plastique offre un champ nouveau d’expression, dans lequel le tatoueur s’engage en toute liberté, non sans un rappel à sa pratique professionnelle. Tristan dévoile ainsi une peinture aquarellée sombre détournant l’art japonais pour en faire une figure mélancolique aux nuances froides, un trait prolongé jusque dans son travail. Tout comme Freako Rodriguez qui esquisse un univers vintage emprunt de nostalgie, dans lequel le dessin et le tatouage se contaminent sans cesse, oscillant entre esthétique old school et manga revisité.
Au milieu de ces couleurs éclatantes, Léa Nahon séduit par une ligne anguleuse donnant aux personnages de ses portraits un regard habité, voire torturé. Un goût du transgressif accentué avec Dimitri HK qui réinvente les personnalités d’icônes pop en y greffant des tatouages qui soulignent leur déviance. Mais la peinture et le dessin ne sont pas les seuls médiums à être investis : Fred Laverne sculpte des personnages aux allures de freak baignés dans un univers macabre quand Fred Inkvader tatoue des objets tel qu’un cochon miniature, référence faite à l’artiste Wim Delvoye.
Pimp my skin, jusqu’au samedi 26 juillet, à Spacejunk
via Le Petit Bulletin