« Renverser les codes »
Dans le spectacle Regards, la comédienne Séverine Fontaine se met à nu face au public, en retraçant son parcours de jeune fille née avec une malformation au visage. Un solo fort et sensible.
Comment est venue l’idée de faire un spectacle si personnel ?
Séverine Fontaine : Le thème de la différence me touche directement. Je me sens différente, du moins j’ai une particularité et je me suis dit que c’était peut être le moment, après avoir fait parler les autres [des précédents projets partis d’interviews – ndlr], de parler de moi. J’ai écrit la pièce de manière assez limpide, en évoquant mon histoire et en intégrant parfois un peu de fiction.
Ça a été évident dès le début que vous seriez vous-même sur scène ?
Quand j’ai écrit la pièce, je ne me voyais pas en solo, j’imaginais des acteurs et des danseurs. Je n’étais même pas partie pour l’interpréter. Puis, quand j’ai fait des lectures, c’est devenu une évidence. C’est un univers qui parle tellement de moi, que j’ai fini par me dire qu’il fallait que j’aille jusqu’au bout.
Vous présentez Regards comme une « pièce manifeste sur la différence »…
C’est un manifeste dans le sens où c’est une pièce qui délivre une parole engagée à transmettre. Car encore plus que de mettre en lumière les diversités et de les valoriser, dans une société qui a tendance à uniformiser, le spectacle renverse les codes préétablis. Si je suis partie de mon histoire, ce n’est pas forcément pour parler de moi, mais de tout le monde.
Vous parlez aussi de la violence d’un système normatif…
Effectivement, tout le monde se construit avec le regard de l’autre, et on a tous intériorisé petit des choses qu’on garde adulte. Il y a certaines couches qui sont bien, d’autres dont il faut se débarrasser. J’aborde la notion de système normatif car notre société construit des moules dans lesquels nous devons être. Je ne suis pas d’accord, et j’encourage les autres à briser ces normes.
Vous avez élaboré une scénographie particulière...
La scénographie est composée de lampes qui m’accompagnent dans le récit. Elles permettent aux gens de s’identifier, car la métaphore de cet objet est forte : le fait d’être regardé, d’être mis en lumière – c’est l’axe majeur. Il y a aussi le rapport au miroir et des créations graphiques projetées. La scénographie fait totalement partie du projet. Quand je crée, je ne fais pas une pièce de théâtre mais un spectacle. Alors oui, il y a un texte qui marque la théâtralité, mais il y a aussi tout un univers très marqué qui amène un certain relief.
Regards, jeudi 20 février à 20h, à l’Amphithéâtre (Pont-de-Claix)