Fantaisie filmique
Les œuvres filmiques que l'Américaine Ericka Beckman présente au Magasin abordent la question de l’apprentissage et de la mémoire, dont les symboles sont parfois difficiles à appréhender. Mais son univers excentrique, entre jeux et contes, amuse le regard, sans pour autant dévaloriser la pertinence du discours.
L’exposition Works 1978-2013, comme son nom l’indique, dévoile des travaux de l’Américaine Ericka Beckman de 1978 à 2013, et s’affiche comme l’une de ses premières rétrospectives en France. Plusieurs films sont présentés, l’essence même de sa pratique artistique, accompagnés de props, anglicisme pour "accessoires de plateau", et de dessins.
Depuis le début de sa carrière, elle s’appuie sur les théories en psychologie du développement du Suisse Jean Piaget qui assure que l’action physique est le fondement de toute communication. L’artiste reprend à son compte cette théorie pour créer des animations dans lesquelles les images sont performées – autrement dit il ne s’agit pas d’un moment filmé mais d’une performance enregistrée. Le mouvement devient un modèle récurrent et prend la forme du jeu, dans sa dimension physique.
Dans les premières salles, un espace est occupé par trois vidéos, et des objets architecturaux qui en sont issus, mettant en scène une personne qui s’amuse avec des jouets, une autre qui s’adonne à un rite gestuel. Alors que Out Of Hand (1980-2010) plonge le spectateur dans un univers enfantin, entre modules à jouer colorés et musique légère, We imitate ; We Break Up (1978-2009) se compose uniquement d’un fond noir sur lequel des actions défilent et se répètent, permettant aux personnages d’arriver à une sorte de perfection du geste. Une mémoire qui construit l’homme, mais dont le caractère universel est parfois critiquable.
Fictions dénonciatrices
Les relations narratives développées par l’artiste mettent en effet en lumière des dérives sociétales. Avec The Broken Rules (1979-2010), vidéo dans laquelle des joueurs masculins font des courses relais pour lesquelles des filles sont des points gagnés, elle ne s’intéresse pas seulement au système éducatif américain comme apprentissage, elle en dénonce le sexisme et esquisse une critique capitaliste.
Et quand Cinderella (1986) – le personnage de Cendrillon – se libère de sa prison à jeux grâce au vêtement, Ericka Beckman offre un film féministe avec humour. Ses œuvres sont donc emplies de symboles, pas toujours évidents à assimiler, mais son univers artisanal et fantasque offre une pause enchantée.
Works 1978-2013, jusqu’au 4 mai au le Magasin – CNAC