Électricité sensible
L’art de la robotique prend tout son sens avec l’œuvre de France Cadet. Actuellement exposée à l’espace Vallès, l’artiste jongle entre des cyborgs, interrogeant le devenir d’une société techno-corps, et des chiens mécaniques, dénonçant les relations hommes-animaux. Plus encore, elle offre une radioscopie des matières, à la recherche de l’émotif.
De sa formation scientifique, France Cadet conserve une curiosité pour la biologie et un goût pour les connexions. Ce glissement d’univers permet à l’artiste d’étendre avec créativité sa réflexion sur un monde enclin à se robotiser sans cesse. L’exposition Robot mon amour à l’Espace Vallès met ainsi en lumière l’étude de deux entités : l’organique et l’artificiel.
Issus du commerce, des chiens-jouets sont reconfigurés afin de leur donner des propriétés étranges : miaulement ou hennissement. La bête est perturbée et, par le prisme de cette analyse mécanique, commence à poindre la dénonciation de l’emprise humaine sur l’animal. Parmi cette série, des trophées de chasse canins, qui s’animent de plus en plus lorsque l’on s’approche, accentuent cette critique : leur hostilité est en réponse à l’acte barbare commis par l’homme.
Un homme qui est lui-même décortiqué, ou plus exactement la femme, dans les Anataleçons, détournement parodique des publicités Aubade. L’autopsie de l’anatomie retourne le caractère sexuel des affiches, et la position lascive du corps, entre sensualité et domination, interroge les rapports de force. Alors qu’à travers des tirages numériques de cyborgs, robots au visage de l’artiste, France Cadet questionne le devenir d’un organisme vivant qui bascule dans l’électronique.
De Picabia à Cadet
Mais elle cherche aussi à pointer du doigt une excitation, comme une inquiétude : le fait que les machines deviennent sensibles. Avec le Cyborg #16, photographie interactive, l’interrogation reste en suspens. En caressant le bras du personnage, le papillon logé au creux de ses mains se meut lentement. L’androïde devient la connexion entre l’animal et nous, ou a-t-il senti la main, ce qui a provoqué chez lui un mouvement, une sensation ?
Quant aux hybrides répliquant les réclames de lingerie, leur connotation sensuelle semble vouloir dire que la sexualité n’est pas uniquement réservée aux connexions moléculaires mais aussi aux connexions électroniques. La parade amoureuse du peintre Francis Picabia se transforme ici en vérité numérique possible. Et si l’automate peut s’émouvoir, il peut aussi se distraire tout seul comme le chien à bascule qui se passe de nous ou celui qui observe Nemo sur un écran. Tant de circuits cybernétiques pour autant de questionnements éthiques.
Robot mon amour, jusqu’au 8 mars, à l'Espace Vallès (Saint-Martin-d'Hères)