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Sans titre, 2000


Dans le maquis bien épais de l’abstraction se cache un mouvement des plus radical : l’art concret venu de Suisse dans les années 1930, sous l’impulsion de l’artiste Max Bill, prônant une géométrie abstraite dépouillée à l’extrême. Le Suisse Andreas Christen (1936 – 2006) s’empare des thèses du Bauhaus, institut des arts et métiers créé en Allemagne durant la première moitié du XXe siècle, et les prolonge à travers cette nouvelle forme plastique, qui considère la sculpture comme le déploiement d’un dessin dans l’espace. Architecte de renom, sa pratique d’artiste se recoupe avec le design et il n’aura de cesse de créer des formes selon l’application de formules mathématiques, combinaisons de lignes et de points dans un plan en trois dimensions. Usant de la couleur avec parcimonie, le Suisse est plus connu pour ses tableaux « monoformes » blanc et gris dans lesquels le statut classique de la sculpture est renversé : l’œuvre n’est plus une ronde-bosse mais n’est pas non plus une toile, il s’agit d’un tableau en relief. Avec la série des « monoformes » amorcée en 1958, il approfondit la quête perpétuelle de l’art concret : la relation de la matière avec le vide.

La pièce présentée au Musée Géo-Charles, Sans titre (2000), dans le cadre de l'exposition White, dévoile une extrême simplicité visuelle : carré blanc mis en perspective selon des lignes qui viennent couper la surface plane du matériau. Mais cette apparente facilité dégage tout un ensemble de questions complexes sur le fondement de la sculpture, d’un ordre régi par les mathématiques et d’un rapport au temps et au vide. Et si la plasticité est analytique, découlant de théorèmes, elle n’en demeure pas moins saisissante. Sur la matière blanche lissée, la lumière ricoche et transforme la perception du volume, quasi inexistant, selon l’angle de vue. Le support, corps même de l’œuvre, devient une énigme pour l’œil par sa construction dépouillée qui octroie une respiration au vide, dans un monde dominé par l’abondance, et par sa teinte qui induit une certaine intemporalité, dans cet environnement périssable. Suspendue un instant, la sculpture-tableau bascule dans la géométrie abstraite comme dans une recherche d’absolu, qualifiée selon le critique d’art Dieter Schwartz de « spatialité exemplifiée par le point, la ligne et la surface ».

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