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« M’effacer un peu ! »

Gilles Balmet est artiste, mais aussi collectionneur. Et c’est en revêtant ce deuxième statut qu’il revient à Grenoble pour une double exposition placée sous le signe de la transmission. Soit une sélection principalement faite d’œuvres papier réunissant 115 artistes et abordant des thèmes qui lui sont chers – le corps, le paysage et l’art japonais. Rencontre.

Une œuvre d’art, qu’elle soit présentée par un artiste ou un collectionneur, raconte beaucoup de la personnalité de celui qui la montre. Étant les deux, dans quel rapport vous sentez-vous le plus dévoilé ?

Gilles Balmet : Ce n’est pas du tout le même travail, mais montrer mes œuvres révèle beaucoup plus qui je suis. Toutefois, c’est un exercice complémentaire... C’est la première fois que je fais du commissariat d’exposition. Ce que je mets dans ma collection peut refléter en partie ce que je fais dans ma propre pratique, ou carrément être à l’opposé. Ça m’intéresse d’avoir une ouverture et un spectre assez large sur l’art contemporain, un désir que je peux assouvir en collectionnant.

Le fait de collectionner nourrit-il votre art ?

Oui, dans une certaine mesure, mais ce n’est pas pour ça que je le fais. Après, plus que de nourrir, collectionner me permet d’avoir une ouverture du regard, de m’intéresser à des voies différentes des miennes et que j’aurais pu suivre à un certain moment, mais dans lesquelles je ne suis pas allé. Par exemple, il y a des artistes qui ont une certaine proximité avec mon travail, cela m’intrigue et en général, je m’aperçois de ce que je n’ai pas fait, alors je suis désireux de posséder une œuvre de la série. Je pense notamment à Arnaud Vasseux, avec qui j’ai échangé une pièce récemment et avec qui j’ai des affinités plastiques, au niveau des encres flottées et des projections de peinture. J’ai fait des choses assez similaires auparavant, et c’est intéressant pour moi d’avoir des œuvres proches ce que j’aurais pu faire.

Du coup, il y a une sorte d’influence ?

Non, je ne pense pas. En tout cas, je n’aimerais pas que ça soit le cas. En tant qu’artiste mais aussi enseignant à l’école de Montpellier, je n’aime pas voir des filiations trop directes. Quand des étudiants présentent un travail en lien avec un artiste très connu et que ça ne diffère pas assez, ça me gêne toujours beaucoup. Pour moi, un artiste doit développer un langage plastique original, c’est important car il apporte quelque chose de nouveau dans l’art.

L’exposition Collection Gilles Balmet ne traite pas de l’artiste, mais du collectionneur. Comment avez-vous procédé pour élaborer cette double exposition à l’École supérieure d’art et design Grenoble Valence et au Vog Fontaine ?

J’avais des plans des espaces, mais je les connaissais assez bien pour les avoir expérimentés quand j’étais étudiant. J’ai surtout travaillé à partir de ce que j’appelle "mon petit musée personnel". Il s’agit d’une boîte en carton qui contient des réductions de toutes les œuvres de ma collection en petites fiches cartonnées, et c’est à partir de ça que j’ai commencé à répartir les œuvres par thématiques. J’ai également réfléchi à une organisation alphabétique, que l’on retrouve dans le catalogue d’exposition. Après, à l’Ésad, il y a cette volonté de la transmission aux étudiants avec des œuvres plus radicales, tandis qu’au Vog cela me paraît plus accessible. La lecture est plus compliquée à l’Ésad, dans le but de nourrir les étudiants.

L’exposition manifeste une véritable diversité de techniques tout en se concentrant sur le dessin et la peinture. Un ensemble dans lequel on distingue deux orientations : le paysage et le corps…

C’est vrai qu’étant donné mon travail d’artiste, le paysage est assez important. C'est un sujet qui m’a nourri dès mon enfance. Du coup, je pense qu’au départ, dans mon travail, il y a eu un fort intérêt pour la représentation paysagère, qui se ressent aujourd’hui dans ma collection. Ensuite, il y a le corps, une représentation figurative, une thématique assez personnelle mais éloignée de mon travail. C’est un angle qu'occupent les univers des artistes que j’ai pu rencontrer. Un sujet qui vient en complément à mon propre travail.

Dans plusieurs œuvres exposées, la silhouette de l’homme est marquée par son absence. Est-ce que ces œuvres ne seraient pas, inconsciemment, une projection de votre personne : s’effacer pour mettre en avant l’autre ? Est-ce un rapport difficile de collectionner en étant artiste ?

Je ne sais pas trop... La question de la silhouette est plus visible au Vog... Peut-être qu’il y a une dimension inconsciente, mais je ne crois pas, c’est surtout l’une des thématiques qui m’intéresse. En ce qui concerne le rapport artiste-collectionneur, je dois dire que ça me fait plaisir. Quand on aime l’art, on aime rencontrer les artistes. J’apprécie de voir le travail des autres et offrir ce moment d’échange. Je trouve que ça a un sens de partager quand on collectionne. À l’Ésad, il y a plusieurs œuvres d’artistes connus nationalement, mais aussi internationalement, et c’est important pour les étudiants de pouvoir les voir en vrai. En septembre dernier, j’ai eu une exposition personnelle à Paris, avec une bonne visibilité, alors ça ne me gêne pas de consacrer du temps à ces artistes. Je peux bien m’effacer un peu de temps en temps à travers cette activité de commissaire !

Collection Gilles Balmet, jusqu’au 22 février au Vog, jusqu’au 13 février à l’Ésad

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