L’aura émotionnelle
Traces, nom de la nouvelle exposition à la galerie Alter-Art, manifeste dès le titre la volonté de tisser un lien. Derrière cette ambition photographique se cache Benoît Capponi, dont le travail trouve sa genèse dans une somme d’écrits et de recherches sur la Première Guerre mondiale pour aboutir à un visuel poétique, en noir et blanc.
Dans l’antre rectangulaire de la galerie Alter-Art, les murs sont parcourus par une série photographique suivant un fil linéaire. Benoît Capponi dévoile alors son talent de photographe de part ces clichés maîtrisés qui semblent en même temps lui échapper, tant la prégnance sensitive qui se dégage des images est forte. Sur des tirages argentiques en noir et blanc, l’œil est promené entre la précision du premier plan et le flou du second.
Ensemble de diptyques, la photographie de gauche, au format portrait, livre un paysage boisé sans humain, tandis que celle de droite, au format carré et accompagnée d’un texte, offre une vue plus resserrée de la nature. Le regard est hypnotisé, dans un premier temps, par les visuels : forêt ombragée, plaine brumeuse ou barbelés entremêlés dans les herbes ; la nature est sublimée et toute à la fois marquée. Les arbres sont davantage des troncs nus qu’une belle végétation feuillue, et peu à peu des éléments érodés apparaissent dans le paysage. La forêt parle, silencieusement, et c’est alors que le texte prend son sens, venant renforcé la puissance évocatrice des images.
Une évocation, non un témoignage
Dès les premières lignes, le récit nous plonge dans les tranchées de Verdun, dans un quotidien que jadis des poilus contaient et qui maintenant fait partie de l’histoire. Avec cette association lignes-photographies, les évènements s’exposent différemment : les lieux, chargés d’affect par les lettres mais aussi par la trace photographique, deviennent un espace d’émotions dans lequel le lien est à nouveau tissé. Le jeu de la profondeur de champ permet de mettre en évidence que l’image n’est pas réalité mais bien une évocation de ce que « ça a été », un moment précis du passé depuis évanoui que la photographie arrive cependant à capter, presque un souvenir matérialisé grâce à l’œil du photographe.
Ce « ça a été », formulé par Roland Barthe, confère ici aux photographies de Benoît Capponi une aura particulière, entre beauté abandonnée et drame humain. Une horreur transposée par les photographies carrées, dont les prises de vue sont au ras du sol telle une métaphore des tranchées, tandis que celles en format portrait offrent une vue d’ensemble sur ce théâtre habité qu’est Verdun.
Traces, jusqu’au samedi 1er février, à l’Alter-Art