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« Une vision anarchiste du monde »

D’une part, il y a des tableaux animés pleins de fioles, d’autre part des installations qui envahissent l’espace. D’une part, il y a le Vog, d’autre part il y a l’Espace Vallès. Avec cette double exposition plus que réussie, on découvre le travail de Samuel Rousseau, plasticien adepte de la vidéo, et d’autres œuvres tout aussi captivantes. Rencontre avec l’artiste.

Depuis une vingtaine d’années, vous occupez la scène artistique contemporaine entre Grenoble et le reste du monde. Pourtant, c’est seulement avec l’exposition De part et d’autre que le public grenoblois semble vous découvrir…

Samuel Rousseau : En réalité, c’est la deuxième exposition "importante" que je réalise à Grenoble. La première a eu lieu il y a environ une dizaine d’années aux Beaux-arts. C’est dans cette école que j’ai fait mes armes et que j’ai découvert la vidéo. À l’époque, pour moi, c’était le médium de la facilité. Un jour, un prof m’a lancé un défi : réaliser un film. C’est un projet qui m’a valu pas mal d’emmerdements, je suis allé dans l’ancienne usine Lustucru, je me suis fait chopper par les flics, ils m’ont amené au commissariat, c’était rock’n’roll. Mais finalement, je n’avais rien d’intéressant. J’ai donc dû réaliser une vidéo dans la nuit et c’est là que je me suis rendu compte que c’était un outil incroyable. C’est avec des monobandes [courtes vidéos – ndlr] que j’ai commencé à me faire connaître, volontairement trash et punk, j’avais une vision anarchiste du monde, et aujourd’hui encore.

Depuis, vous utilisez ce médium, et plus généralement la technologie, comme un outil de création...

La vidéo a bouleversé ma perception des choses, mais je me suis vite senti prisonnier de l’écran. Je m’en suis libéré en la mettant en situation. C’est un outil qui évolue avec moi. Pour autant je ne suis pas un geek, j’ai un vieil ordinateur, mais ce qui compte ce n’est pas le support, ce n’est jamais l’aboutissement, c’est ce que l’humain en fait qui importe. La caméra me permet de réaliser de belles images, en tout cas je l’espère, et de créer un sens fort qui inclut l’homme, souvent au cœur de la ville. Plusieurs lectures sont possibles dans mes œuvres, c’est un art à strates.

Est-ce pour cette raison que votre exposition s’intitule De part et d’autre, pour signifier les différentes directions de votre œuvre ou est-ce en rapport aux deux volets de l’exposition ?

Ce n’est pas en lien avec mon travail, ça reviendrait à le couper en deux alors qu’il est composé de multiples facettes. Le titre évoque les lieux d’exposition : il y a d’abord le Vog, espace restreint et intime, puis il y a l’Espace Vallès, qui est casse-gueule, mais avec de grands volumes. On a travaillé ensemble, le personnel du Vog et celui de Vallès, pour offrir une proposition cohérente. À Fontaine, on retrouve un accrochage assez conventionnel, c’est le moment du regardeur, tandis qu’à Saint-Martin-d’Hères, l’ambition a été de créer un univers dans lequel le corps s’intègre aux œuvres, telle une introspection. « De part et d’autre », c’est un pied de nez à Grenoble car quand on est artiste grenoblois, il faut enjamber la ville pour exposer. Mais c’est avant tout une invitation, un cadeau pour les Grenoblois. Cette exposition, je l’ai faite pour eux.

Votre œuvre est souvent guidée par l’humain et l’urbain, la ville peut donc constituer la trame. Pourquoi avoir choisi New York pour cette exposition ?

J’ai découvert New York il y a une quinzaine d’années. J’y ai travaillé pendant quatre mois, et en seulement quatre mois, vous devenez un vrai new-yorkais, vous êtes pris dans le tourbillon de la ville, de cette ville "énergivore". C’est ça que j’ai voulu retranscrire, car tout le monde connaît la beauté de New York à travers la photo, le cinéma, c’est la capitale du monde. Mais en réalité c’est un bulldozer et c’est ça qui m’a animé : rendre la ville telle qu’elle est, avec la foule du métro et son bruit incessant ou encore les buildings qui s’érigent telles des constructions qui pompent la population. Ces architectures sont des artères, les humains des globules blancs.

Au Vog, un ensemble présente des œuvres de 2009-2010, Chemical House, et de 2013, Chemical Generation. Il s’agit de tableaux animés où des personnages se pressent dans des gélules lumineuses. Ici, il est moins question de l’urbain que de l’homme ?

La ville s’efface pour parler davantage de l’homme et son rapport aux médicaments avec d’un côté la pharma légale et de l’autre l’illégale, Chemical Generation qui signe la fin de la série. Je l’ai faite pour rendre hommage à ma génération, celle des quarantenaires qui ont participé à des raves. Le tableau forme un « X » pour évoquer cette période, avec une multitude d’autres signes cachés. Après, chacun est libre d’y voir ce qu’il veut, j’ai la prétention de m’adresser à tout le monde, alors le facteur "liberté" est primordial. J’estime qu’une œuvre se lit avec ce qu’on est, ce n’est pas à moi de dicter votre interprétation.

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