Artistiquement littéraire
Alors que l’univers de Myriam Mechita était jusqu’à présent fait de paillettes et de perles, la plasticienne française délaisse le côté « girly » de son art pour exposer un pendant plus sombre. Amorcé par un travail de fond mené sur les écrits de Virginia Woolf, ce nouveau visage plastique, entre dessin et sculpture, est à découvrir à l’URDLA jusqu’au 15 novembre.
Faire du texte le support premier du processus créatif est une méthode que les artistes contemporains ne cessent d’explorer, en témoigne l’exposition de Saâdane Afif à l’IAC au printemps dernier, et aujourd’hui l’exposition The blood & the flesh of life de Myriam Mechita à l’URDLA. A la différence qu’elle n’use pas des écrits de Virginia Woolf comme d’un matériau abstrait mais comme d’une base figurée, plus accessible sans tomber dans l’illustration pour autant. Entre dessins féminins et sculptures masculines, l’artiste donne une traduction sensible et sombre de l’univers de l’écrivaine. La genèse de l’exposition est paradoxalement présentée à la sortie, où la parution ENFIN, d’après des textes de Virginia Woolf, traduits par Jacques Aubert et animés par Myriam Mechita, donne corps aux œuvres dans leur ensemble. Le corps de la femme, sexuel, commence à apparaître pour finalement s’offrir à de grands formats.
D'une grande féminité
L’exposition s’ouvre en effet avec un dessin grand format d’une jeune femme se laissant submergée par l’eau. Une sensualité particulière se dégage des traits entre ses lèvres, ses cheveux et le rapport étrange avec l’élément dans lequel elle se noie. Beaux et terrifiants à la fois, les autres dessins offrent la même vision mais avec une poétique différente à chaque fois. Sur le troisième grand format, la jeune femme crayonnée prend une pose lascive toute en avalant la nuit alors que sur le suivant, le corps de la femme est contorsionné au dessus d’une maison en feu. La féminité, belle, surgit de l’élément mais dans un univers menaçant. Tout comme la série Love, composés de cinq petits dessins, une forme d’ambigüité se dégage entre l’image de l’amour et une violence visuelle. L’expression même de la vie est brutalement mise en parallèle avec le sang et la mutilation, donnant une prégnance particulière à la série. Mais l’artiste ne se contente pas du crayon graphite pour donner vie à la ligne de Virginia Woolf.
Au masculin tortueux
Alors que la femme apparaît sublime et impressionnante, l’homme est moulé en petit avec un caractère horrifique. D’après de petites sculptures existantes, l’artiste est venue greffer des excroissances qui transforment soudainement le corps masculin en chimère. Recouvertes de platine, les sculptures miroitent infiniment et donnent l’impression d’un mouvement continu. Bien que l’objet soit figé, dans une mutation avortée, il semble se mouvoir pour arriver à une nouvelle image qui tient alors de l’imaginaire. Le personnage central de l’exposition est de toute évidence la femme, pourtant les sculptures mi-homme, mi-animal captent davantage le regard. Tout comme les livres objets présentés sur la table en face des premières sculptures. Tel un cabinet de curiosité, l’œil est plongé dans un univers rempli de livres et de bibelots, où la force de l’œuvre se dilue quelque peu.
Malgré cette partie de l’exposition en demi-teinte, les mots de Virginia Woolf ont donné une nouvelle essence au travail plastique de Myriam Mechita. Un travail qui passe par une appropriation physique et narrative, dont les plus bels exemples demeurent les dessins grands formats et les sculptures.
The blood & flesh of life, du 7 septembre au 15 novembre 2013, à l'URDLA
via Le Mauvais Coton