L'aura de la nuit
Alors que la douzième biennale d’art contemporain de Lyon vient d’ouvrir ses portes au public, le circuit résonance a débuté en début de semaine avec la Nuit de la photographie II, ayant pour thématique « Le monde tel qu’il est 2 ». Tour d’horizon de ces clichés de nuit, en passant par la galerie le Bleu du ciel.
En septembre 2012, la première édition de la Nuit de la photographie faisait résonance à l’événement « Lyon, septembre de la photographie ». Fort du succès rencontré, la manifestation a été reconduite cette année à l’occasion de la douzième biennale d’art contemporain de Lyon. Le thème « Le monde tel qu’il est » se pose comme le fil d’Ariane des deux rencontres et présente des clichés contemporains qui tiennent du documentaire, avec la volonté de révéler l’ « aura » de vérité de la photographie.
L’enjeu y était double : raconter à nouveau au public les travaux photographiques qui ont été présentés l’année précédente, sous la forme d’un diaporama projeté en face de la galerie le Bleu du ciel, et (re)découvrir des artistes contemporains qui cherchent à exposer le « ça a été » formulé par Roland Barthes. Cette expression contient toute l’idée de l’exposition qui vise à construire une réalité capturée de la société du XXIème siècle, en phase à de nombreuses mutations entre mondialisation et rapports humains dénaturés, entre l’expression d’une nature brute face au passage de l’homme. Loin de toute prétention d’exhaustivité, la Nuit de la photographie II a offert au public une sélection pointue de photographes, notamment avec l’exposition au sein même du Bleu du ciel.
La double exposition Tropical Gift et Eaux vives, peaux mortes présente des artistes aux thématiques différentes mais avec la même ambition de dresser un constat de réalité. Alors que l’artiste Alexandre Christieans cherche à esquisser une vision du monde à travers ses voyages, Christian Luzt explore les rapports de pouvoir qu’il existe au Nigeria entre les individus, dans l’exploitation du pétrole et du gaz. À travers une gamme de couleur sombre et léchée, le photographe donne à voir des scènes entre les hommes influents et un peuple qui ne peut jouir des ressources de son pays. Des relations de forces s’établissent entre une population blanche et une noire, et montre également la segmentation qui se met en place au cœur même de cette dernière. La débauche de luxe s’oppose à des situations où les autres vivent du minimum, avec un jeu de regard saisissant : tandis que l’homme d’affaire fuit l’objectif, le garçon de la rue offre un regard direct, comme pour inciter à la réflexion.
Les cadres noirs qui délimitent les photographies semblent renforcer les contextes fermés de cette situation, tandis que l’absence de cadre dans les clichés d’Alexandre Christieans ouvre l’espace. Déambulation silencieuse, le panel dépeint se vit comme une rupture de lieux et de frontières, au gré de navigations. La nature s’exprime pleinement et vient se confronter à l’homme. Sauvage, elle reprend souvent le dessus sur la création humaine et crée de véritables récits entre réalité et imagination. La figure humaine y apparaît diminuée en regard d’un environnement foisonnant. Là encore une dualité s’exprime, entre le naturel et le fait de l’homme, dans une neutralité authentique. Autant de visions du monde qui méritent que le regard s’y pose, et s’y arrête.
Tropical Gift et Eaux vives, peaux mortes, du 10 septembre au 9 novembre 2013, au Bleu du ciel
via Le Mauvais Coton