Trompe-géométrie
Passer du graffiti à l’exposition en galerie est un exercice périlleux. L’artiste L’Atlas le réussit avec brio. A la faveur d'une continuité plastique, mais surtout grâce à une démarche qui demeure "intemporelle" .
À l’orée du XXIème siècle, un combat s’est engagé dans le monde de l'art contemporain : celui de la légitimité du street art dans les galeries. L’exposition Géodésie, de l'artiste L'Atlas, présentée actuellement à la Percept Gallery et où se croisent habilement formes urbaines et démarche d’atelier, donne raison aux partisans de cette ouverture.
Dès ses débuts dans les années 1990, L'Atlas s'est distingué de ses pairs : mélangeant des règles calligraphiques classiques avec une typographie latine et un esprit urbain, ses graffitis ont créé des liens culturels forts, lisibles dans le monde entier. Conservant cette esthétique à base de lettres faussement labyrinthiques, son œuvre trouve aujourd'hui un écho nouveau dans le travail sur toile.
Persistance de la forme
Depuis sa première exposition à Lille en mars dernier, L'Atlas a imaginé un logogramme qui sert de trame à l'ensemble de ses créations. Si auparavant son nom était également la base de son travail, il se transforme désormais en caractères défragmentés et conduit à une nouvelle réflexion, qui tient davantage du cheminement que de la fusion.
Le travail commence par le papier, sur lequel l'artiste appose cette sorte de mandala et en mémorise la forme avant de se lancer sur la toile, sans modèle. Les œuvres ainsi produites reposent sur la répétition d'un alphabet personnel aux combinaisons infinies et voient leur auteur tendre vers une abstraction où l'écriture, bien que devenue illisible - comme dans l'art cinétique, la perception est floutée, garde sa rythmique.
À l'ère du numérique, ces rectangles de couleur grise pourraient être assimilés à des pixels. Mais L'Atlas reste un artisan, au sens où il aime travailler à la main, renouant dans ses toiles, véritables fenêtres temporelles, avec les mosaïques du siècle précédent. Ses travaux en deviennent eux "intemporels", voire mythologiques, à l'image de son pseudonyme. D'autant qu'à travers ces formats rectangulaires et les cercles remplis de formes géométriques qui leur succèdent, la récurrence du logogramme crée une persistance rétinienne qui convoque l'esprit. À l'image d'un certain Malevitch et son de suprématisme, c'est au fond un art matérialiste qui n'exclue ni la spiritualité ni la contemplation que produit L'Atlas. Signe qu'il est aussi à sa place entre quatre murs qu'à leurs pieds.
Géodésie, à la Percept Gallery, jusqu’au vendredi 12 juillet