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Les tissus vivants de Jérémy Gobé

Organiques, harmonieuses et méticuleuses à la fois, les sculptures de Jérémy Gobé font renaître la matière. Né en 1986, ce jeune artiste, diplômé de l’École des Arts Décoratifs de Paris, a remporté plusieurs prix en 2011 dont celui de la Fondation Bullukian. Cette récompense lui ouvre les portes de sa première exposition personnelle, intitulée Monument aux Mains, à la fondation lyonnaise.

Le travail de Jérémy Gobé se met en place suivant un processus de vie, à la fois humain et matériel. En effet, ses créations naissent au gré des rencontres qu’il fait, durant lesquelles il capte une histoire pour la raconter autrement ou retient une matière pour la faire revivre. Cette démarche, tournant autour de l’objet récupéré et de l’autre, se double souvent d’un apprentissage d’une technique, qui le pousse à remettre sans cesse en cause sa propre pratique. À travers une œuvre principalement textile, il manipule, sculpte, sublime le tissu afin de lui redonner une certaine noblesse. Telle est l’ambition de l’exposition Monument aux Mains.

Un tissage commun

Durant sa résidence à la fondation, l’artiste est allé à la rencontre des habitants, des ouvriers d’usines de textiles et est parti à la recherche de l’objet à révéler. Aux termes de ce vagabondage, il a confectionné un écrin de tissu pour ses trouvailles et y a greffé, parfois, l’histoire des gens comme avec la pièce La promesse. La sculpture, faite de fils blancs, serpente au sol de part et d’autre du mur. Ses tiges, de formes irrégulières et organiques, laissent échapper aux extrémités des couleurs et des matières différentes. Cette sous-couche est l’essence de l’œuvre et renferme des habits donnés par des Lyonnais à l’artiste, en vue de les réanimer. Dans sa nouvelle enveloppe, le tissu ondule mais conserve sa mémoire, tandis qu’il ressemble à une excroissance dans l’œuvre Miroir. L’artiste décide de s’approprier l’objet, découvert dans l’atelier de la fondation, et de le prolonger grâce à un assemblage minutieux de tissu, provenant des usines les Vosges. Sorte d’hommage aux anciens employés, la pièce devient la manifestation d’un métier artisanal complexe. La fluidité des lignes confère un aspect soyeux, malgré le côté abrasif propre à cette matière, que l’on retrouve dans la sculpture Quatre mains. Cette création résulte d’un échange avec l’artiste Simone Pheuplin, d’où le titre de l’œuvre. Fasciné par le travail de cette dernière, Jérémy Gobé va terminer l’une de ses sculptures. Le résultat offre un paysage abstrait fait d’arrondis et de vagues, devenant témoin de l’hybridation des deux méthodes artistiques.

Corail d’habits, prolifération sur bois ou excroissance miroitante, le tissu apparaît vivant et crée une atmosphère presque marine. Sans jamais le dénaturer, Jérémy Gobé fait de cette matière un lien entre le passé et le présent à travers une exposition où l’esthétique de la fibre crée une expérience visuelle nouvelle.

Monument aux Mains, jusqu’au jeudi 28 février, à la Fondation Bullukian

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